Sorcières, Guérisseuses, Chamanes 2/2, Rencontre avec Séverine Perron, Les Herbes Vives

Guérisseuse Sorcière Chamane

@Laura_Vendescoeur

Plongée dans l’alchimie du Vivant, avec Séverine Perron – Les Herbes Vives

Deuxième volet de ma série d’articles consacrée aux sorcières, guerisseuses et autres chamanes. Je suis heureuses de l’illustrer avec Séverine car elle regroupe selon moi ces trois figures. Plurielle et singulière, Séverine brille selon moi de sa poésie organique, de son ancrage puissant à la Terre Mère et de sa reliance au Vivant. Je vous laisse plonger sans réserve dans son univers onirique.

Maeva : Bonjour Séverine, tu es la créatrice des Herbes Vives, peux-tu te présenter (parler de toi, de ton parcours) en quelques mots ainsi que le projet que tu portes ?

@Laura_Vendescoeur
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Séverine : J’ai eu une enfance très simple, avec une famille aimante et présente, une grande tribu chaleureuse, intimement liée à la Terre et au partage. Ce sont les trésors que j’ai reçu pour me préparer à affronter ma destinée : une grande sensibilité et atypisme m’ont confrontée dès l’enfance, dans le regard des autres, j’ai rencontré la violence d’une société conformiste dans laquelle je ne trouvais pas ma place. Mon corps me l’a déversé sans ménagement à partir de 22 ans. J’ai cherché des réponses, des issues de secours, dans la connaissance, l’écriture, la foi, la création artistique, les forêts et la nature aussi, et toujours ce besoin viscéral d’ouvrir le champs des possibles. Même si ma première vie s’est bâtie dans le monde du business et du sport, j’étais du côté de ceux qui rêvent. A tout juste 33 ans, j’avais déjà récolté tout ce qu’une femme « accomplie » peut attendre : j’avais aimé, enfanté, entrepris, écris, témoigné, côtoyé des cercles d’influences, « réussi ». Mais la force du destin est revenue avec la puissance d’un tsunami. J’ai dû aller voir, non pas plus loin, mais plus dans les profondeurs de moi-même, pour découvrir finalement dans les tréfonds, un trésor, de la lumière et de l’espace, pour vivre et aimer avec ce que je suis, matière et esprit.

Faire l’alchimie du vivant

Les Herbes Vives sont plus qu’un projet professionnel ou de vie, c’est une expression poétique de l’intime et de l’universel au travers ce qui nous (me) touche : la transmission entre les lignées, notre lien à la Terre et à nos cultures ancestrales.

J’avais aussi envie d’offrir des élixirs et remèdes qui soient infusés et préparés avec intention et amour, comme un voyage, de la collecte jusqu’à l’utilisation, (faire) vivre une expérience intime avec la plante. Explorer le monde végétal, c’est le plus merveilleux des voyages. Être en lien chaque jour avec les plantes et les arbres, embellit l’âme et notre lieu de vie, cela nous nourrit profondément.

@Laura_Vendescoeur
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Maeva : Au cœur des Herbes Vives, il y a la passion des plantes, l’amour de la nature et aussi une envie de faire revivre un savoir ancestral. En quoi finalement ce savoir a à nous enseigner ?

Séverine : Mon arrière-grand-mère Gabrielle, guérisseuse, appelait cela la médecine des simples, elle faisait de l’alchimie dans sa cuisine et dans de vieilles marmites, avec ces recettes de bonnes femmes, qui se sont transmises. Je ne parle pas ici de sciences, mais d’amour. De ces paroles que nous avons tous entendues en veillée au coin du feu. Des contes et des histoires, des plantes qui guérissent. Du pouvoir des mots et des gestes à façon, ceux qui enchantent et réconfortent. Du vécu qui se partage pour mieux prendre soin de l’Autre, de la Terre. Du respect de ce qui est vivant, de nos parentés.

Aussi simple que cela, et pourtant, si difficile dans des vies modernes, où le temps est pressant, le bitume trop présent, la tête dans nos écrans, on ne sait plus re-sentir. Où l’on croit que les sagesses se trouvent à l’autre bout du monde, dans d’autres regards, d’autres voix, d’autres plantes, alors que tout est là.

Nous avons oublié.

Malgré tout, et où que nous soyons, qui que nous soyons, nous portons la possibilité, l’espoir, la responsabilité même, de garder ce lien vivant, intact, car c’est de notre propre vivance et capacité à vivre une vie d’humain-e dont il s’agit. Je parle de nous, de nos générations à venir, nos enfants.

@Laura_Vendescoeur
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Maeva : les femmes sont au cœur de ta transmission, peux-tu nous expliquer pourquoi ? Tu es mère de deux filles, cela a t’il influencé ta transmission de femme à femme/ génération en génération ?

Séverine :

Ce qui n’est pas écrit est féminin.

J’ai pris conscience l’été dernier, que j’avais beaucoup donné à mes filles, de 12 et 14 ans, en temps, attention et amour. J’avais juste oublié l’essentiel : leur partager mon histoire, ce qui avait été difficile à l’adolescence, combien il avait été long et douloureux de faire grandir cette confiance en moi, quelle était ma place parfois douce-amère, dans mes lignées et combien cela m’avait conditionnée dans mes premiers pas et ma manière d’être au monde. Pourquoi j’en étais là, aussi imparfaite en tant que mère et femme, mais vivante. Je suis fille aussi, et petite fille. Maria, ma grand-mère polonaise aura 90 printemps cette année.

De ce témoignage est sorti, Herbe en Vie. Pendant 8 jours et 8 nuits je n’ai fait qu’écrire, sans cesse, dans la cuisine de mon arrière-grand-mère entre mes filles, ma grand-mère et ma mère. Ce recueil de poésie parle de cela : des lignées, de la femme, du rapport au corps et son lien à la Terre, de l’amour de soi, de la résilience.

L’estime de soi est le plus beau cadeau qu’une femme puisse se faire.

Simone Pérèle

Elles feront leur chemin, elles ont leur propre destin. Aujourd’hui, j’essaye de ressentir, proposer, faire avec, et laisser faire surtout. Et que chaque expérience, nous permettent aux unes et autres d’apprendre, même quand c’est inconfortable.

Toute femme peut faire son chemin, mais pour cela, elle a besoin de reprendre le fil du sang qui coule dans ses veines, et quand c’est trop douloureux dans cette vie-là, il faut l’aider à aller voir dans les mémoires anciennes, pour reprendre le fil de l’histoire, remettre en perspective, recouvrer des dons, des impressions sensibles et les porter au monde avec amour. Voilà, nos chemins de guérison. Tout être humain a besoin de servir, d’aimer servir et d’aimer. C’est celui que je guide auprès des femmes aujourd’hui, lors des quêtes de guérisons ou rituels, et qui fait aussi les Herbes Vives.

Tout est lié. Notre lien à soi, au corps, aux autres, à la nature, au monde.

Simone Pérèle
@Laura_Vendescoeur
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Nous vivons dans une société marquée par l’oubli. Elle se traduit parfois par cette quête parfois désespérée et éthérée de Soi, dans le travail ou les voyages, d’expériences initiatiques qui nous poussent toujours plus loin, hors de soi, loin de tout, de nos familles, sans savoir comment le relier à la matière, dans nos quotidiens, alors que tout est là. A l’intérieur, dans nos lignées, nos corps qui contiennent des informations essentielles. Mais nous courons dans tous les sens comme des poulets sans tête. Nos enfants nous regardent les yeux grands ouverts : que faites-vous ?

Mes anciens me diraient : « le bon sens paysan, ma fille ! Viens au jardin, ça te videra la tête ».

Parce que la Beauté, c’est un mélange de force et de douceur.

J’y ai ajouté l’intime, le sensible et le poétique, c’est mon âme de conteuse et tisseuse qui s’exprime pour partager. Toucher au cœur, c’est aussi permettre de mettre en mouvement, individuellement ou collectivement. Nous façonnons, au sens noble, avec le cœur. Les élixirs sont façonnés avec amour et sensibilité. Les femmes et beaucoup d’hommes désormais, sont sensibles à ces dimensions.

Maeva : Sans mettre d’étiquette, te sens-tu guérisseuse-sorcière-gardienne de la Terre ? Quel est ton lien au Vivant, comment le cultives-tu ? As-tu finalement la conscience d’être le microcosme d’un macrocosme ?

Séverine : Un peu tout cela à la fois. Je suis multiple.

Gardienne, car je porte cette responsabilité de continuer et reprendre ce que nos ancêtres ont initié : les plantes et le savoir autour des médicinales et des arbres, la cuisine et les essences (parfums) me touchent plus particulièrement. Gardienne parce que chacun de nos choix doit être fait pour les générations à venir et pour ceux qui ont moins, et pas seulement pour notre seul petit plaisir. Souveraineté des peuples, souveraineté de la nature, la cause de Vandana Shiva. Avoir cette humilité de se dire que nous sommes juste une goutte d’eau à l’échelle de l’évolution de la Terre, et pourtant nous avons cette grande responsabilité vis-à-vis de nos enfants. J’ai déjà pris mes responsabilités par le passé, et j’ai encore des liens avec les dirigeants que j’ai accompagné durant toutes ces années, entendre mes mots, me lire ou échanger, ouvre des portes. Ils savent et suivent ce que je fais aujourd’hui, certains m’appellent même pour avoir des conseils pour prendre certaines plantes ou remettre en perspective les mots du corps, et je sais que les Herbes Vives les touchent. En les touchant, ils se mettront en mouvement, j’ai planté une graine, autrement cette fois. Tout est lié.

De la Terre, parce que je suis brune, va-nu pieds, j’aime l’humus, la tourbe, avoir les mains dans la Terre, ses couleurs, son odeur. J’aime notre Terre et je suis une Terrienne.
Alma – Tierra – Sociedad. Ce livre de Kumar Shakti fait complètement écho.

Guérisseuse, elle coule dans mes veines depuis si longtemps, cette femme-là… Mes mains en portent les traces, elles n’ont pas mon âge. Relier et redécouvrir ces dons, dans mes mémoires anciennes et lignées a été ce trésor. C’est ma manière de servir le monde, ma communauté, mon village aussi. Pour moi, c’est comme si je faisais ce que j’avais toujours fait.

Guérir, c’est fleurir son âme et celle de l’autre,
Le temps qu’il voie que c’est possible de le faire à son tour,
Fleurir.

Simone Pérèle

Sorcière. Il m’a fallu toucher les bords et voir mes ombres. Chez moi et les autres, l’égo est toujours très fort pour revenir dans ses beaux habits blancs, surtout dans le chemin spirituel, pour dire « aimez-moi, regardez-moi, comme je suis pur-e ». La sorcière s’en contre fout. Elle est « moche » et « mal aimée », et cela lui permet d’avoir la paix, d’être libre. J’y puise aussi cette force, de s’affranchir, de se mettre « hors la loi » parce que c’est juste pour le Tout. Tes mots au sujet des femmes accoucheuses à la maison, ces doulas, résonnent complètement. J’aime faire mes potions dans ma cuisine, créer, expérimenter, toucher, goûter. J’ai beaucoup de tatouages sur le corps et vieillir, avoir des rides m’est égal, comment mon corps vit, évolue, change au gré des saisons et années, je m’en fous, paraître belle ou conforme n’est pas mon problème, j’aime le sauvage et le brut. Le feu est très présent en moi, je suis née à l’Est.

Et puis il y a la tisseuse, de fil en fil, de vie en vie, des mots et des empreintes, des perles et des trésors, je relie, je répare, je cous, au sens propre comme symbolique. Je redonne vie avec amour. Seve Eugenia, c’est Elle. Je suis d’une lignée de tisseuses côté maternelle. J’essaie de l’honorer.

Un art qui se façonnera toute une vie, et sur plusieurs vies.

@Laura_Vendescoeur
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Maeva : Je suis personnellement touchée par la poésie de ton univers, ton recueil de poésie sort prochainement d’ailleurs, quelle place tient la poésie, la beauté, l’émerveillement dans ton quotidien ? Pour être en lien avec l’invisible, faut-il faire silence ?

Séverine : Merci, merci à toi Maeva ! La poésie, est la seule nourriture que mon esprit tolère désormais, et quelques livres sur les plantes et les arbres, ou les mythes et contes, je ne peux plus lire d’autres livres (j’ai fait une grande cérémonie de distribution de ma bibliothèque !). C’est aussi ma manière de percevoir le monde, de le romantiser en captant sa beauté, d’honorer et de retranscrire mon émerveillement envers tout ce que la Nature est et créé. Écrire vous apprend à observer et à puiser dans ces impressions, à capter par toute votre sensibilité ce qui vit, résonne en vous et autour de vous. Ne pas oublier. Célébrer.

Élève tes mots, pas ta voix,
C’est la pluie qui fait pousser les fleurs, pas le tonnerre.

Rumi

Mon premier recueil de poésie Herbe en Vie, merci d’en avoir parlé ici, sera disponible début mars 2019. Même si initialement, il a eu une vertu salvatrice personnelle et d’honorer ma propre guérison. J’en ai perçu les résonances après en le partageant autour de quelques femmes autour de moi qui m’ont poussées à le porter au monde. Voilà un bel exemple de sororité. Mère Térésa dit que si tu veux rencontrer Dieu, c’est dans le silence. Ou faire l’expérience de Dieu, du mystique et mystérieux. Donc de l’invisible. J’aime le silence, pour entrer dans nos forêts intérieures. Il nous faut apprendre à créer des espaces blancs, des interstices. A toujours remplir, se divertir, nous vivons constamment hors de nous.

Faire silence, ou s’assoir dans le Tiyoweh, comme le dit si joliment Jamie Sams. C’est de là que viennent nos visions intérieures, surtout nous les femmes.

Rumi

Maeva : As-tu des rituels quotidiens ?

Séverine : Ma vie est faite de rituels. Une manière d’avoir une discipline, moi qui aimais un peu trop le mouvement. Puis les rituels m’ont aidée à être en conscience, dans mes gestes, à porter attention. Aujourd’hui, c’est dans une attitude de gratitude ou de guérison pour une personne ou un être vivant.

Une de mes routines quotidiennes : le matin, verre d’eau tiède dans mon gobelet en cuivre, bain de bouche à l’huile de sésame et eau froide sur le visage, j’allume le feu de mon poêle à bois pour réchauffer la maison puis je vais marcher pieds nus dans la rosée, parfois c’est la neige ou la gelée comme en ce moment. Je m’assois et j’écoute. Quelques exercices d’ancrage et parfois je complète avec du yoga et un texte, la petite voix d’Ellein Caddy souvent.

Ensuite, je prépare un café sur le poêle, à l’ancienne, j’adore. L’odeur du café me dit : maintenant, c’est l’heure d’être dans ta vie de mère, femme, amie, qui entre en lien avec le monde.

Je vais presque chaque jour marcher en nature, en forêt, et je fais souvent des offrandes dans les lieux où je collecte des plantes, où j’ai reçu des enseignements des esprits, où j’emmène des personnes pour des reliances et rituels, mes lieux de médecine.

Et dès les beaux jours revenus, je suis tous les jours dans mon jardin, chaque jour, chaque année, j’y amène des nouvelles fleurs, essences, aménage de nouveaux espaces. C’est une belle pratique méditative.

Cuisiner, est aussi un rituel quotidien. J’aime la vie de famille, le foyer est sacré pour moi. Ensuite, il y a les rituels de reliance aux cycles lunaires, cosmiques et parfois des rituels profonds de guérison comme les huttes de sudation ou jeûnes, même si j’en fais moins aujourd’hui, je préfère les diètes de plantes et m’octroyer le temps qu’il me faut pour revenir en mon ventre et harmonie, parfois c’est une journée, parfois c’est plusieurs jours.

J’écoute ce dont mon corps a besoin. Je le fais quand c’est juste, quand je ressens cet accord avec la Nature, et ce n’est pas toujours pile le jour du calendrier.

Maeva : as-tu un mantra, une citation qui t’accompagne sur ton chemin ?

Séverine : Aime. Sers. Souviens-toi.

 

Entrez dans l’univers de Séverine

https://www.lesherbesvives.com/
https://instagram.com/lesherbesvives

Prochainement, l’ouverture de son e-shop et la publication de son recueil de poésie.

Cet article est sublimé par le travail de Laura Vendescoeur, photographe passionnée par les femmes.
Je vous invite à découvrir son sublime travail :
Soul Photography Project
One Oneness Magazine
Instagram

Ainsi que les retraites qu’elle co-crée avec Marion Thelliez, Moonrise Retreat
Un article leur est consacré sur le blog

Témoignages

  1. Chère Maeva,
    Un mot. MERCI.
    J’ai beaucoup de plaisir à vous lire.
    Vous faîtes partie de mes Ressources.
    Immense Gratitude.
    Au plaisir de vous rencontrer prochainement.

    Lumineusement,
    Florence

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