La guérisseuse, la chamane, la sorcière, plurielle et singulière. Femmes contemporaines, magiciennes et enchanteresses, elles sortent du bois au cœur de la crise sociale et écologique que nous traversons. Car oui, il est urgent de guérir et de chérir, soi-même, les autres et la planète. Parce que j’admire les femmes, parque que je vois leur puissance révolutionnaire d’action, parce que pour moi les femmes sont les gardiennes de la Terre, les semencières d’un monde où le vivant serait au cœur de nos vies, j’ai voulu vous présenter avec cette nouvelle rubrique, des guérisseuses rencontrées sur mon chemin de quête.
Maeva: Camille, tu es notamment l’autrice de la Puissance du Féminin, initiatrice des Tentes Rouges de Paris, tu accompagnes les femmes dans un cheminement vers leur profonde féminité. Pourquoi est-il nécessaire d’accompagner les femmes dans les différentes étapes de leur vie, avec des rituels, des cérémonies, des rendez-vous de sororité ?
Camille: Nous avons besoin de liens et de sens, deux dimensions de nos existences qui peuvent être fragiles dans la société dans laquelle nous vivons. Nous avons besoin de nous montrer sans masque, dans toute notre vulnérabilité, de savoir qu’il y a des lieux où nous pouvons être totalement nous-mêmes et en sécurité, accueillies avec bienveillance. Et puis ces espaces sont aussi là où nous pouvons mettre du sens, nous relier au rythme des saisons, de la lune, de tous les moments de passage que les femmes vivent parfois sans s’arrêter. Le faire ensemble, célébrer les morts et les renaissances, même s’il s’agit simplement d’un tout petit cycle, c’est ce qui fait notre structure en tant que femme. Ce rythme sur lequel nous pouvons nous déployer.
Maeva: Le féminin sacré a connu un boom médiatique ces deux dernières années, il y a aussi un renouveau du féminisme avec le mouvement #balancetonporc ou #metoo. Les femmes ont subi, et subissent encore, des siècles d’oppression, doit-on nécessairement guérir le féminin ?
Camille: L’histoire des femmes est faite de nombreuses blessures collectives, que chacune porte et reproduit parfois malgré elle. Le chemin de la liberté intérieure est tout aussi long que celui de la liberté extérieure, et peut être encore plus délicat. Appelons cette délicatesse dont nous avons besoin, pour assumer une place nouvelle dans notre relation au monde : aux hommes, au pouvoir, à notre liberté, à notre créativité, à notre sexualité. C’est ce réveil dont il s’agit, il est en route et c’est réjouissant.
Maeva: Peut-il y avoir une guérison du féminin sans guérison du masculin (je pense au livre le mythe de la virilité d’Olivia Gazalé) et donc d’une guérison du masculin et du féminin (rapport extérieur mais aussi à l’intérieur de nous) ? Quelle place pour le masculin sacré avec le féminin sacré ?
Camille: Le masculin et le féminin sont deux polarités qu’on considère souvent comme une paire d’opposés alors qu’il s’agit de la même énergie, qui prend deux directions différentes. Comme lorsqu’on parle de température, il n’y a pas de chaud ou froid en soi, il y a deux extrêmes mais l’important est tout l’espace entre. Cet espace entre le masculin et le féminin, c’est l’endroit où la vie se développe, est féconde. Je crois qu’on confond souvent les étiquettes mentales dont on a besoin et la réalité. Il n’y a pas l’un sans l’autre. Et ça se fait naturellement, qu’on mette le focus sur le masculin ou sur le féminin, il s’agit toujours de remettre de l’harmonie dans la danse.
Maeva: Dans ton cheminement, tu as exploré le travail sur les ombres et les peurs, des notions essentielles mais qui font souvent peur et que notre société refuse de voir. Peux-tu nous dire quelles voies d’exploration tu as emprunté, qu’as-tu appris et en quoi cela est fondamental dans un travail sur soi-même ?
Camille: Merci pour cette question ! Oui, le travail essentiel pour moi derrière cette question du féminin est celle de la vulnérabilité. Oser regarder ses ombres et ses peurs, avoir le courage de les voir et de les assumer est un acte presque militant, en tout cas porteur de changement de paradigme fort. L’origine latine du mot courage parle de raconter son histoire avec son cœur. C’est ce que nous faisons dans les cercles de femmes.
Mon chemin a commencé avec un travail thérapeutique, de la gestalt, du rêve éveillé libre puis une rencontre avec la médecine traditionnelle d’Amazonie. Puis j’ai beaucoup dansé, travaillé en art-thérapie et en ce moment je chante. Plus récemment, j’ai aussi découvert tout le travail sur la relation dans le cadre du tantra, et je me suis formée au Travail de l’ombre qui va spécifiquement explorer ces ombres pour y retrouver notre pouvoir. Parce que renouer avec son féminin, ce n’est pas juste faire un rituel le soir de pleine lune, c’est surtout faire cette traversée vers nous-mêmes.
Maeva: Je sais que pour toi, la vulnérabilité est notre plus grande force. Quelle est la puissance de la vulnérabilité ?
Camille: J’en parlais un peu juste avant, quand je te parlais du courage. La puissance que l’on découvre, lorsque l’on fait tomber les masques, lorsqu’on arrête de vouloir avoir une vie parfaite, ou mettre toute notre énergie à nous faire croire qu’elle l’est. Alors on laisse au vivant la possibilité de nous montrer le plan qu’il a pour nous, lorsque nous n’exerçons plus notre petit contrôle. Et c’est d’une telle puissance ! On le sent bien en cercle aussi, assumer cette vulnérabilité face aux autres femmes est galvanisant.
Maeva: Qu’évoque pour toi l’archétype de la guérisseuse ? Comment l’incarnes-tu au quotidien ?
Camille: La guérisseuse est d’abord celle qui s’est guérie, qui se connait, a déminé son champ pour y planter ses propres graines. Elle a mille outils, en fonction de sa sensibilité : elle connait le langage des animaux et des plantes, elle est une sage-femme, elle sait prier, et écoute le monde avec sa peau. Elle est au service aussi de quelque chose de plus grand et agit en fonction de cette volonté supérieure, qui est sa petite voix intérieure.
Depuis un an environ, j’assume que je ne sais pas ce qu’il se passe lorsque je réunis des femmes autour de moi et que j’ouvre un espace rituel. Je vois la magie opérer, je sais qu’elle passe à travers moi mais je n’ai pas vraiment de moyen d’action dessus. Cette guérison passe par mon cœur et par l’ouverture que je sais provoquer chez les autres, par ma présence. Parfois je crois que je dois faire quelque chose, mais je vois bien que la guérisseuse a juste à être.
Maeva: Comment te connectes-tu quotidiennement à la Terre-Mère ?
Camille: Je lui parle chaque jour, tous les jours, plusieurs fois par jour. Je la considère comme une mère, depuis ma plus tendre enfance, je me souviens lui parler enfant. Elle me guide et vit dans ma poitrine.
Maeva: Quels sont tes rituels (quotidiens, ponctuels .. qui rythme de ton quotidien, viennent y apporter du sacré ..) qui te permettent de revenir à toi, de nourrir ton inspiration ?
Camille: Le plus simple et le plus important est d’être en silence et d’écouter. J’écoute le monde, intérieur et extérieur, pour recevoir de la guidance. Et puis je chante, c’est vraiment devenue ma pratique spirituelle, pas toujours quotidienne. Le chant a changé ma vie, il m’a donné énormément de liberté et je rêve un jour d’accompagner les humains à écouter leur voix et celle du monde.
Maeva: Si tu fermes les yeux, derrière tes paupières closes, quelle vision du monde apparaît?
Camille: Un monde lumineux, avec plus de clarté surtout, c’est elle que je recherche. Moins de bruit de notre mental, plus de musique de notre cœur. Plus de confiance aussi, celle que je connais bien et qui me relie à la vie. Je nous souhaite tous de trouver cette terre là.
L’univers de Camille :
Site internet : www.renoueravecsonfeminin.fr
Livre : La Puissance du féminin