Mes Yoginis et Yogis, j’ai la joie de vous présenter le portrait de Camille Sfez, auteure de la puissance du féminin. Le yoga a été pour moi la rencontre avec mon corps d’une part, mais aussi mon corps de femme. Dans une société où le corps de la femme est hypersexualisé, exposé et instrumentalisé, j’avais envie de vous proposer de revenir à la source de ce Camille aime nommer « le féminin profond » en explorant des thème qui me sont chers : ralentir, écouter son rythme, etc. Bon voyage au pays de la sororité…
Maeva Yoga : Bonjour Camille, peux-tu te présenter en quelques mots et nous dire comment le féminin sacré est entré dans ta vie ?
Camille Sfez: C’est un homme qui m’a mis sur ce chemin du féminin, en ayant l’intuition que cela m’aiderait à faire la paix avec la jeune femme que j’étais. J’avais 22 ans, j’étais en école de commerce, et en pleine crise existentielle. J’ai découvert des espaces où être femme était une force, ou ma sensibilité et mon intuition avaient de la valeur et ces rencontres ont rapidement transformée ma vie. Je crois que je me suis vraiment construite, en tant que femme, à partir de ce moment là.
Maeva : Tu es l’auteure de la puissance du féminin, un livre nourri d’une expérience de plus de 10 ans dans des cercles de femmes. Quelle était ton intention en publiant ce livre ? Et pourquoi ce titre, « la puissance du féminin » ?
Camille: Lorsque l’on m’a proposé d’écrire un livre sur le féminin, ma première réaction a été que je ne saurais pas faire. Et puis très vite est montée l’envie de témoigner. Je me souviendrai toujours d’un cercle de femmes, il y a quelques années, où j’ai pris conscience que nos échanges étaient très confidentiels – ces espaces existaient sans que personne ou presque ne les connaisse. Comme si c’était justement leur caractère secret qui les rendait possibles. Et cela m’a beaucoup attristée, je rêvais de pouvoir les révéler au monde. Alors écrire à été cette occasion, pour témoigner de ce chemin, des sujets qui se racontent, des transformations que j’observe chez les femmes autour de moi.
La question de la puissance m’intéresse, parce que justement c’est ce qu’on trouve dans ces espaces. Ce mot a besoin d’être dépoussiéré, il parle de la vulnérabilité, de la capacité à vivre notre vie avec estime. Il interroge, dans le livre, autant qu’il tente de donner des réponses.
Maeva: Tu as créé la Tente rouge de Paris en 2011. Comment as-tu connu la tradition des Tentes rouges et comment l’as-tu implanter au cœur de Paris ?
Camille: J’ai découvert les tentes rouges en Angleterre, en 2008. Une Américaine, ALisa Starkweather, avait créé un mouvement aux USA où les femmes se réunissaient dans cet espace, à chaque nouvelle lune. J’avais déjà l’expérience des cercles depuis quelques années, et j’y ai vu l’opportunité de créer un cercle qui serait relié à tous ceux qui existaient ailleurs dans les pays anglo-saxons. Cette idée m’a plu.
Au début, nous étions quatre ou cinq, dans les salons des unes et des autres. Anne Derieux, une femme avec qui je suis devenue amie, m’a aidée depuis le début à créer et à tenir cet espace, mois après mois. Nous parlions beaucoup de notre cadre, de ce que nous voulions apporter aux femmes, de ce qui fonctionnait et ce qui ne fonctionnait pas. Petit à petit, la tente rouge a évolué et elle évolue encore. Mon rêve a toujours été qu’il y en ait beaucoup, partout en France.
Maeva: Comment expliques-tu le « boom » du féminin, la démocratisation du féminin sacré ? C’est comme si l’heure était venue subitement !
Camille: J’aime beaucoup la vision de Rupert Sheldrake des champs morphiques : il existe une intelligence qui sous-tend les formes du vivant, mais aussi la manière dont par exemple sont faites les découvertes. Lorsqu’une molécule est trouvée à un endroit de la planète, tous les chercheurs des quatre coins du monde la trouvent aussi, en même temps. Comme si lorsque quelque chose est prêt à émerger, il le fait partout en même temps.
Je ne sais pas pourquoi, mais le temps est venu pour que les femmes renouent profondément avec leur féminin – et les hommes aussi, j’en suis sure. Dans certaines traditions, on dit que c’est la sororité, les liens de soutien et d’équanimité entre femmes qui permettra de passer à un nouveau monde d’amour et de paix. Je ne sais pas si cette prophétie est vraie, mais je peux vous dire que les femmes sont dans une telle ouverture de cœur en sortant des cercles que je ne peux m’empêcher de penser qu’elle va se réaliser. L’enjeu est énorme, bien au delà d’un équilibre personnel, même si nous en sommes encore au début.
Maeva : Quel rôle les femmes ont à jouer dans l’émergence du monde de demain (plus humain, écologiquement viable, etc.) ? Et pourquoi l’émergence de ce monde est intrinsèquement liée à la puissance du féminin ?
Camille: Je ne sais pas exactement quel rôle nous avons à jouer, comme si j’avais peur de nous enfermer dans un rôle. Ce qu’il y a de merveilleux a notre époque, c’est le sentiment que tout est possible, tout est possible quand on ouvre son coeur, quand on pardonne, quand on prend soin de ses besoins.
Alors oui, les femmes ont un rôle à jouer dans le processus de paix, entre elles et avec les hommes ; elles ont un rôle à jouer pour valoriser qui elles sont, se soutenir et ne plus laisser jamais une autre femme subir des violences ; elles ont un rôle à jouer par rapport aux générations futures, pour que les enfants soient élevés dans l’amour. Elles ont aussi à transformer le monde économique, politique, associatif, en étant simplement à des postes de pouvoir et en insufflant quelque chose de différent.
Mais pour cela, elles doivent d’abord renouer avec leurs forces profondes. Ne plus réagir comme des hommes ou comme des anciennes victimes, connaître l’importance de leurs rythmes et de la lenteur, aiguiser leur conscience d’être reliées à tout ce qui vit, retrouver leur créativité, leur pouvoir de guérison. C’est cela renouer avec sa puissance.
Maeva: As-tu des rituels au quotidien ?
Camille: La pratique des cercles est comme un rituel, puisque je m’y retrouve presque chaque semaine. J’y puise un ancrage et des liens qui me nourrissent. J’ai aussi besoin de beaucoup de temps pour intégrer ce que je vis, des moments de contemplation, de méditation ou de dessin. Même si je suis citadine, je suis vraiment une fille de la Nature, et j’ai besoin d’aller m’y ressourcer, lui déposer mes prières. Je crois que cette pratique de la prière est très présente chez moi, encore plus depuis que je travaille avec l’art thérapie : je découvre la puissance de poser un acte créatif, qui a du sens, pour appeler ce que je veux. Concrètement, cela veut dire ramasser une pierre, une brindille et quelques fleurs, et les déposer auprès d’un arbre avec les intentions.
Maeva: quel est ton mantra qui t’inspire au quotidien ?
Camille : La citation qui me parle le plus sur ce chemin est une phrase d’Annick de Souzenelle : « la rencontre avec le féminin ne procède pas de l’acquisition d’un savoir, c’est la rencontre avec le mystère des choses ». Je n’aime pas trop mettre des étiquettes, ou faire rentrer les expériences dans des cases. Et j’avance avec cette conscience que lever un voile est précieux, mais qu’il y en aura toujours d’autres encore. J’aime ce mystère, il fait partie de la quête.
Aller plus loin:
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Découvrez le livre La puissance du féminin aux éditions Leduc.s